Me AKERE MUNA est un brillant avocat réputé pour ses combats contre la mal gouvernance, notamment la corruption. Il est candidat à l’élection présidentielle du 12 octobre prochain sous la bannière du parti UNIVERS dont le président est le prof. Prospère NKOU MVONDO.
Dans un entretien dimanche 14 août 2025 à Canal 2 International, in magazine LA RETRO, l’ancien bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Cameroun, Me AKERE MUNA dessine ses ambitions pour un nouveau Cameroun. Pour nos lecteurs, Komiaza a sélectionné un extrait de cet entretien fleuve mené par Arnaud NGUEFACK.
Pourquoi estimez-vous que l’élection de 2025 est une opportunité historique pour le Cameroun ?
Mais Ecoutez ! C’est une opportunité pas historique, mais on est à un carrefour extraordinaire. Nous avons un président qui est là-bas depuis 42 ans. J’ai l’habitude de rappeler aux uns et aux autres qui avaient 28 ans quand le président BIYA est devenu président qu’aujourd’hui vous en avez 50. Et notre pays ne cesse de plonger dans la misère, la jeunesse fuit le pays, les infrastructures sont complètement mauvaises. Et surtout ce qui a été mon combat depuis 30 ans c’est la corruption. Quand j’ai commencé, il y a 30 ans, à parler de la corruption je disais que « ça, ça va nous finir ! ». Et nous y sommes !
Vous avez en face un président qui est en poste depuis plus de 40 ans. Qu’est-ce qui, pour vous, fonde la conviction qu’une alternance est possible ?
Mais écoutez ! Il a rendu l’alternance impossible en 2018. Vous pouvez conclure qu’il avait décidé en 2018 d’être président à vie ! Mais l’alternance est possible parce que cela dépend des Camerounais. C’est les Camerounais qui vont prendre la décision. Ils vont se demander « comment nous vivons ? » J’étais surpris de voir ce décret qui autorise le ministre des finances à emprunter 900 milliards FCFA. Dans la seule affaire Glencore moi, en une semaine, je vais faire rentrer dans les caisses de l’Etat 900 milliards. Donc il y a autant de choses qui me font croire que le Camerounais souffre dans sa chair et il prendra la bonne décision.
Vous avez parlé de corruption y compris dans les élections. On a souvent décrié les tripatouillages et la fraude. Qu’est-ce qui, cette année, vous dit que ce ne sera pas la même clé qui vous éliminera ?
Ecoutez ! J’ai commencé en vous disant que je place le sort du Cameroun entre les mains des Camerounais. Vote massif, surveillance des urnes. Parfois l’opposition n’est présente que dans 30 pr cent de bureaux de vote. Cette fois-ci, même sans un candidat consensuel …Je pense qu’en mutualisant nos forces nous serons à même de couvrir tous les bureaux de vote. Et c’est là la clé de l’histoire. Il faut être présent et c’est ce qu’on va faire.
S’il fallait extirper de votre projet de société trois piliers essentiels qui pourraient convaincre l’électeur pour une alternance démocratique, ce serait quoi ?
Moi, je pense que nous avons deux problèmes de taille : la corruption et cette crise qui sévit dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Elle draine presque 40 pr cent de nos ressources financières. La corruption qui est transversales : les routes pourquoi ? Les hôpitaux pourquoi ? Douala-Yaoundé : la corruption ! Covid : corruption ! CANGate : corruption ! Tout ce que nous avons dans ce pays est complètement détruit par ce fléau et personne ne dit rien. C’est ça qui est grave.
Vous qui flirtez à l’international, est-ce que vous avez compris le sens de ce silence-là, face à tout ce que vous venez d’énumérer ?
Vous ne pouvez pas demander au poisson d’acheter l’hameçon. Ceux qui sont à l’origine de la corruption, c’est les mêmes à qui on demande de poursuivre… je vais vous prendre un exemple facile. Quand j’ai commencé, il y a cinq ans, avec les enquêtes Glencore, la SNH a dit que « Ha ! Ça ne nous concerne pas. C’est pas possible ». J’ai fini par déposer plainte contre X. Alors, trois ou quatre tribunaux étrangers condamnent, sur les aveux de Glencore, qu’ils ont corrompu. Les Etats-Unis et l’Angleterre disent la même chose. Les Etats-Unis s’est fait payer 1000 milliards sans perdre une goutte de pétrole.
Je voudrais qu’on parle de ce rapport de Afro Barometer qui révèle en 2023 que plus de 70 pr cent des Camerounais souhaite une alternance démocratique. Comment, en tant que candidat, comptez-vous traduire cette attente des Camerounais dans votre campagne ?
Pour la première chose, j’ai un programme qui est basé sur huit piliers, mais il y a des choses que je trouve urgentes. Première chose, nous entendons mettre sur pied un comité par commune - il y en a 360 - pour voir ce qu’il y a à faire urgemment. Président, je mettrais 1 milliard par arrondissement pour des projets d’urgence. Deuxième chose, je pense que vue la richesse intellectuelle de la diaspora, il faut absolument l’intégrer dans notre processus de développement en réglant le problème une fois pour toutes en ce qui concerne la multi nationalité… j’étais à Dakar : premier Président, la Première Dame, leur première fille, reposent en terre étrangère. Vous imaginez cela ?
Dans cette quête du changement, ne craignez-vous pas que la résignation et la peur du changement ne joue encore, une fois, en faveur du statut quoi ?
La résignation et la peur…quand j’étais Vice-président de TI (Transparency International), on a mené une étude. Elle nous a permis de découvrir que plus un pays est corrompu, plus c’est difficile de changer le gouvernement. Il y en a dans ces régimes qui sont des zélés patentés. Vous imaginez qu’ils sont prêts à partir ? Bien sûr que non ! Ils feront tout pour rester. Ça va être difficile, mais nous devons vaincre la peur. Dans le procès de vendredi dernier, j’étais surpris de constater que chaque personne qui me voyait s’exclamait : « Ah ! Monsieur le Bâtonnier, c’est très courageux ! » C’est pas vrai ! Seulement demander qu’on applique la loi, les gens vous trouvent courageux. Je pense que les Camerounais sont entrain de traverser le fonds.
Parlons de cette requête que vous avez déposée le 19 août auprès du Conseil Constitutionnel. Vous demandiez à l’instance de constater l’inéligibilité de Paul BIYA et votre requête a été jugée « irrecevable ».
Si on veut parler de gain ou de perte, pour eux ce serait une victoire sans honneur. Le problème c’est de savoir est-ce que nous avons un Président dépendant? Le président BIYA n’est pas là, il ne nous gouverne pas.
Pourquoi avoir choisi d’attaquer frontalement la candidature de Paul BIYA devant le Conseil constitutionnel alors que tout ce que vous évoquez est su par tous les candidats, par tout le monde y compris les électeurs?
Est-ce que invoquer la loi c’est être frontal ? Je suis allé devant l’instance sur la base des textes de notre pays. C’est pour ça que l’instance a dit que ma requête était irrecevable. C’est la loi qui le permet. J’ai entendu le ministre OWONA dire que je suis un grand Avocat, je l’en remercie. Je lui reconnais la qualité de Grand ministre. Mais dire qu’on acquiert la nationalité en se mariant, il faut qu’il aille regarder les textes. Ce n’est pas cela. Il y a un choix à faire. Sur Wikipédia, qui est publié par eux-mêmes, c’est marqué « nationalité française et camerounaise ». Je ne pense pas qu’on retourne les choses. On n’a eu aucun débat sur le fait que nous avons un président dépendant. A l’audience, c’est un des mandataires du Président de la République en la personne du Directeur du Cabinet Civil, on lui a demandé par trois fois « avez-vous quelque chose à dire ? » il a répondu « Non ». Ça m’a surpris. Il s’est contenté de dire « ce matin j’étais avec le président, de telle heure à telle heure… » Pendant toute l’audience on n’a rien entendu. Leur défense reposait sur une phrase, sur une interprétation. Il y en a deux en anglais et en français qui disent des choses différentes. Mais je me suis réjouis que pour la première fois on a eu recours au texte en anglais pour expliquer ce que dit le texte. Beaucoup d’Anglophone seront surpris de cela.
C’était pour expliquer quoi concrètement ?
Expliquer le fait que l’article en question concerne seulement l’étranger. Donc si vous êtes dépendant des étrangers, c’est bon. Donc, puisqu’il n’est pas dépendant des étrangers, il n’y a aucun problème. Pour cela vous allez entendre le ministre parler de délégation de pouvoirs. Maitre NDOKI qui était mon avocat a dit : « le président convoque une réunion de la CEEAC et c’est le secrétaire général qui sort un courrier pour renvoyer cela sine die. » Lui, il parle de délégation de pouvoir, hors c’est d’une délégation de signature qu’il est question. Je comprends leur peine à débattre dans ce dossier. Nous avons prouvé à l’audience que Madame Chantal BIYA est française.
Parlons de l’opposition. Vous êtes dans les tractations. Pourquoi est-il difficile pour l’opposition de parler d’une seule voix ?
Je me pose aussi la même question. Mais on y travaille. On a des commissions qui font le travail pour un programme commun. Je crois qu’il y a des gens qui trouvent leur compte d’aller en rang dispersé. Je ne dois accuser personne. Mais je pense que les Camerounais vont nous amener à y aller. J’ai confiance parce que le défi est quand même de taille. On est onze, et qu’on ne soit pas en mesure de voir ce qu’il y a lieu de faire pour notre pays, c’est quand même désolant. Je crois qu’on va y arriver.
Est-ce que les onze ont réussi à s’asseoir autour de la table ?
Il y a des candidats que vous connaissez très bien qui ont déclaré qu’ils ne sont pas intéressés par une coalition. Ils ont leurs raisons, ils connaissent leurs forces. Je n’en suis pas là, car il faudrait que nous ayons une réponse au peuple qui réclame…au Sénégal il y avait dix-huit forces politiques, mais il y a un qui a gagné au premier tour. C’est possible de s’imaginer qu’on peut refaire le Sénégal ici ? Je doute…
Dans cet objectif-là que vous vous êtes vous-même fixé, est-ce que vous voyez des réticences et des adhésions marqués des candidats qui pourraient porter cette candidature-là ?
Je pense que la force de la réussite dans une négociation c’est la discrétion. Venir analyser les positions des uns et des autres sur un plateau de télévision ne va pas résoudre le problème. Je vous dis qu’on y travaille avec acharnement et je pense qu’on va y arriver.
Entre le rêve de porter cette candidature consensuelle et celui de laisser un autre, où vous situez-vous?
On est dans les négociations. Dans le cadre d’une réunion consensuelle tout peut arriver !
Vous avez parlé de Maurice KAMTO qui a été éliminé en dernier ressort par le Conseil Constitutionnel. On se rappelle, en 2018, vous avez soutenu le professeur Maurice KAMTO. Cette année, est-ce que vous attendez un retour d’ascenseur ?
Je pense que le contexte n’est pas le même. Le professeur KAMTO est quelqu’un que je respecte. Il comprend les enjeux. La décision qu’il prendra aura un impact sur la suite des choses. Je pense que je ne l’ai pas fait en 2018 en disant que c’est le njangui. Je pense qu’on a eu de longues discussions. S’il pense que le moment est propice pour faire un remake à l’égard de… Pour le moment, je pense qu’il va falloir attendre le conseil national du MRC qui va se tenir le 6 septembre pour voir comment les choses se présenteront.
Dans ce jeu, Issa TCHIROMA BAKARY et BELLO BOUBA MAIGARI sont partis de l’alliance avec le RDPC et sont aujourd’hui candidats : Est-ce qu’ils sont partis prenantes des négociations dans l’esprit de la coalition pour la candidature unique de l’opposition ?
Le président ISSA TCHIROMA était présent à Foumban et puis représenté à Yaoundé. Je pense qu’il est dans ce processus-là. Le président BELLO est conscient du fait qu’il faudrait coaliser pour y aller. On parle de coaliser et on parle de moi. Il faut qu’on se rappelle que de mon côté j’ai l’UPC qui est le parti historique. J’ai fait tous les villages entre le Nyong –et-Kelle et la Sanaga Maritime : c’est énorme comme territoire. Le parti historique de AYA Paul, dans le Sud-Ouest, le PAP c’est aussi un parti important ; le parti UNIVERS de NKOU MVONDO qui m’investit a réussi à rassembler beaucoup de chrétiens et d’animistes dans le Septentrion. Donc, de mon côté, je viens avec des partis avec qui nous avons coalisés. Mais quand on dit coalition maintenant, cela signifie coalition de candidats.
Dans votre vision et de votre projet de société. Vous proposez une gouvernance fondée sur l’intégrité et la transparence. Comment les traduire concrètement dans un système comme le nôtre marqué par le clientélisme et la corruption ?
C’est facile. C’est facile. Respect de la constitution. Déclarez vos biens ! Dans l’esprit de la constitution du 18 juin 1996 personne n’a déclaré ses biens. Quand j’étais candidat en 2018, j’ai déclaré mes biens. J’avais fourni le certificat médical. J’ai remis les documents sur les états de mes impôts. Aucun autre candidat ne l’a fait. Cette année encore, je vais le faire. Pourquoi ça dépasse ces personnes-là de déclarer leurs biens ? Au Ghana, le nouveau président l’a demandé et les ministres qui ne l’ont pas fait ont été éconduits. Quand vous occupez une fonction publique, vous devez montrer à ceux pour qui vous travaillez que vous ne prenez pas de leur argent. Il faut la transparence. On va prendre 900 milliards en emprunt, qu’est-ce qu’on va en faire ?
Votre projet insiste sur la justice sociale et l’égalité des chances. Comment financer ces ambitions que vous affichez dans un pays où plus de 40 pr cent du budget est absorbé par le service de la dette ?
C’est un problème qu’il faut regarder en face. Nous avons une société qui est injuste. Regardez le foncier. Dans plein de villages où je suis allé, les gens ont dit : « on a arraché mon terrain ! » il faudrait une justice indépendante. Les pauvres dans le pays sont des laissés pour compte. J’ai l’habitude de citer le pape François qui est décédé récemment. Il disait qu’on juge un pays par la façon dont il traite les plus pauvres.
On a l’impression que vous ramenez le financement à l’affaire Glencore.
Je ne ramène pas tout à Glencore. Je parle d’une possibilité. Ces programmes qu’on a créés, on va les fermer tous, pour les rationaliser.
Pourquoi l’affaire Glencore met-elle à l’évidence l’impunité au sommet de l’Etat ?
Cher ami, je vais vous dire ceci : si vous avez le pétrole et les hauts fonctionnaires de votre pays décident de vendre… quand je sors les captures d’écran pour montrer les décotes, je prends ces captures d’écran que je garde. Et qu’est-ce que je découvre ? Une communication de la SNH qui dit que je fais de la manipulation. Je vais sur le site et je me rends compte, qu’effectivement, ce n’est plus 15 pr cent, mais 13 pr cent pour Glencor et pour une autre société. Ce n’est plus 70 pr cent, c’est 35 pr cent ou 34. J’étais confus. Je prends ces documents que j’envoie à un expert aux USA qui me renvoie un rapport montrant qu’en juin, de l’année dernière, les gars sont entrés dans le site et ont changé tous les chiffres.
Malgré toutes les preuves que vous avez rassemblées à travers votre enquête, pour quoi ce dossier est-il jusqu’ici resté sans suite?
Ne demandez pas au poisson d’acheter l’hameçon.
A l’international, est-ce que vous avez l’espoir ?
Je suis dans une démarche pour demander au gouvernement américain sous Donald TRUMP de publier une liste de personnalités et de les interdire de séjour aux Etats-Unis. C’est le passage qui permet de connaître ces brigands-là.
Si vous étiez élu président de la République, comment traiteriez-vous ce genre de cas ? Quelles sont les clés pour traiter les cas comme celui de Glencore ?
Je ne sais pas quel jour le 6 novembre tombe. Disons un lundi. A 12h je fais convoquer le directeur général de Glencore. Je fais convoquer les responsables de la SNH. Je veux : 1- les noms de tous ceux-là qui sont concernés du côté camerounais. Côté étranger, on les connait déjà. 2- je veux un chèque d’au moins 800 milliards FCFA dans le trésor camerounais. Si dans 24 heures on n’a pas cela, tous les contrats seront annulés et des poursuites pénales engagées contre et les Camerounais et les étrangers. C’est ce que les Américains ont fait ! Quand ils ont vue venir les menaces ils ont déboursé des milliards. C’est une question de volonté politique. Donc, à la fin de la semaine, dans le trésor public, on a de quoi aider les jeunes, de quoi aider tous ceux qui sont dans le besoin.
Maitre MUNA, pourquoi vous et pas un autre ?
C’est une question qui vous amène à aller cher dans votre âme. Je vous disais tantôt que j’ai passé 30 ans dans le secteur de la gouvernance. J’ai travaillé avec pas mal de présidents. J’ai travaillé avec la plus grande institution de l’Union Africaine, le MAEP (Mécanisme de l’Union Africaine entre les Pairs) où je rendais compte aux chefs d’Etat. Je les ai entendus, et chaque fois que je parlais aux fonctionnaires sur la corruption et le conflit d’intérêt, etc. ils me posaient la question : « M. MUNA, c’est super ce que vous dites-là, et votre pays ! Pourquoi vous ne faites pas la même chose pour votre pays ? Chaque fois qu’on dit blanchiment d’argent par Gafis, c’est vous ! Opacité dans les industries extractives, c’est vous ! Opacité dans les mines… Qu’est-ce que vous faites chez-vous ? » Alors je dis, écoute ! Ce que j’ai appris à faire c’est la gouvernance. Je propose une transition de cinq ans où je viens faire ce qu’il faut faire : refonder les institutions et cinq ans après je m’en vais, après avoir organisé les élections, laissant derrière moi une constitution, une loi électorale qui permet à tout le monde, un espace politique pour tous ceux qui veulent travailler pour leur pays. C’est aussi simple que cela. Donc, ce qui me drive, c’est que je sais ce qu’il faut faire et je demande l’occasion pour le prouver.
Retranscription par Augustin Roger MOMOKANA








