Villes mortes : Dschang s’y est plongé la tête et les pieds liés ! [Komiaza]

Villes mortes : Dschang s’y est plongé la tête et les pieds liés ! [Komiaza]

Le divorce entre les citoyens et le Rdpc est-il définitivement acté ? La complicité entre Paul Biya et les citoyens s’est effritée. L’ampleur des villes mortes en vigueur depuis lundi 03 novembre ne trompe pas.

Le mot d’ordre de « Villes mortes » lancé par Issa Tchiroma Bakary s’est installé. La réalité de ville fantôme s’est imposée à Dschang aussi. Les commerces et les administrations étaient hermétiquement fermés lundi 03 novembre 2025. Les rues sont désertes. Seuls quelques rares flâneurs, curieux devant Dieu, sont présentes ici et là. Ils s’ennuient ? Sont-ils des sans domicile ? Leurs regards hagards ne laissent personne indifférents.

Dans les marchés de vivres, quelques vendeuses sont présentes. Elles proposent des fruits et légumes, des régimes de plantain mûr ; ailleurs, disséminés, des tenanciers de cafés et des motomans sont actifs. Ce sont des personnes âgées ou des étrangers pour la plupart. Ces derniers les nigériens et les maliens ne se mêlent pas de la politique de notre pays. Ce qui ne signifie pas qu’ils ne sont pas concernés par la bataille politique, car au bout du compte, ils ne seront pas exclus des retombées des « Villes mortes » si la grève finit par porter des bons fruits.

Le Sous-préfet de l’arrondissement de Dschang, Max Mbella Edjenguele qui à travers un communiqué de presse datant d’hier a invité les populations à vaquer sereinement à leurs occupations n’en croit pas à ses yeux, car malgré ses assurances, le mot d’ordre de « villes mortes » est un succès pour ses initiateurs. « Il [Sous-préfet de l’arrondissement de Dschang, ndlr] invite les Forces Vives (Autorités Politiques et Religieuses, les Chefs Traditionnels et de Communautés, Elites Intérieures et Extérieures, Opérateurs Economiques, Leaders d’Opinions et d’Associations) de son Unité de Commandement à continuer de sensibiliser leurs Proches sur la nécessité de préserver la paix sociale  et le vivre ensemble : gage d’un développement durable », « écrit-il.

Pour quoi les Camerounais sont-ils si attachés à ce mot d’ordre de villes mortes ?

Dans la rue, les flâneurs et les personnes qui se réunissent dans les coins des rues ont les mêmes préoccupations : « pourquoi pas si cela peut arranger le pays ? », « On a marché, ils ont tiré sur les gens, qu’ils passent de maison en maison pour arrêter les gens ! »  « C’est normal que le peuple observe le mot d’ordre pour montrer à ceux qui ont falsifié les résultats de votes que le travail qu’ils ont fait n’est pas bien », « n’est-ce pas on va faire comme ça jusqu’à ce que ceux qui ont organisé vont nous dire d’arrêter ? », « on va souffrir, c’est pour notre bien et pour l’avenir de nos enfants », « ils n’ont qu’à sceller les boutiques, on vend même quoi d’abord ? », « le Cameroun c’est le pays de Eto’o, Ngannou, il doivent se prononcer », « tu ne peux pas gouverner les gens qui ne te veulent pas », « il faut que le président Paul Biya appelle Issa Tchiroma pour parler avec lui, ils doivent arranger le problème. »

Ceux qui n’ont pas de maison, puisqu’ils sont sortis pour occuper les carrefours et les entrées des quartiers- ne manquent pas de message à l’attention du gouvernement et de Tchiroma. Plusieurs d’entre eux sont désormais convaincus que la seule voix de sortie de crise est la rencontre Biya-Tchiroma. Cela est-il possible ?

Issa Tchiroma Bakary justifie son appel pour les villes mortes

Dans un message aux Camerounais, Issa Tchiroma Bakary qui s’est auto-proclamé « président élu » au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025 justifie son appel pour les villes mortes : «… Dans une vidéo virale, le président du Conseil constitutionnel lui-même, dans l’ivresse de champagne, s’est vanté d’avoir assuré la victoire du Président sortant. Quelle honte pour notre République ! Mais ceux qui croient que la peur nous fera plier se trompent lourdement. Un peuple qui a perdu la peur est un peuple invincible. Camerounaises, camerounais, malgré ce climat de  terreur orchestré pour nous faire reculer, nous n’allons pas céder. Je vous appelle donc, du lundi 03 au mercredi 05 novembre, à observer des villes mortes. Que le pays tout entier se fige pour que le monde entier sache que nous résistons et que nous ne cèderons pas. Gardons nos commerces fermés, suspendons nos activités, restons chez nous en silence, pour montrer notre solidarité  et rappeler à ce régime que la force de l’économie c’est son peuple, et ce peuple ne le reconnait plus comme son leader. Peuple camerounais, l’heure n’est plus ni à la peur ni à la division. Restions debout, unis, fiers et solidaire face à ce qui dans un cynisme machiavélique invoque la paix tout en semant la terreur… »

Souvenons-nous, la crise politico-économique que traverse le Cameroun depuis le 15 octobre fait suite à l’élection présidentielle tenue le 12 octobre. Elle a commencé par la dénonciation par les partisans de Issa Tchiroma Bakary des falsification des résultats issus des bureaux de votes par les Elecam et les commissions de compilation et de recensement général des votes, avant de se transformer, le 27 octobre jour de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel, en manifestations de contestation populaire dans les principales villes du pays.

Augustin Roger MOMOKANA